Les sites de la période Gallo-Romaine
Les sites gallo-romains spectaculaires sont rares en Pays Royannais, mais leur qualité compense largement... Une énigme de cette époque réside dans ces étranges monuments constitués par les "piles gallo-romaines". Dans le département, on en connaît trois : Aumagne, Authon-Ebéon et Saint-Romain-de-Benêt, chez nous !
La destination de ces monuments reste toujours inconnue : on évoque une fonction de signalisation pour les voies antiques ? Des monuments funéraires ? Mais ces piles ne comportent pas de chambres internes. En réalité, nous ne savons pas !
Ils sont arrivés... (Ermine Street Guard). @ J. Dassié

En matière de gallo-romain, on connaissait depuis toujours les ruines de Moulin du Fâ et de La Garde, à Barzan. Ruines que les meilleurs spécialistes évoquaient en termes de "petit sanctuaire rural"... Pourtant un homme sérieux, Claude Masse, ingénieur et géographe du Roy, auteur de séries de cartes prestigieuses, avait écrit vers 1750, parlant des terres autour du Fâ : "les laboureurs trouvent par là autour quantité de vestiges de fondations de murs et on y a trouvé quantité de monnoyes anciennes et de médailles des Romains et autres, les peuples ne disent que par tradition que ça a été autrefois une ville fameuse et un bon port de mer".

Voici la pile gallo-romaine de Saint-Romain-de-Benêt
Bien intrigant, un véritable challenge, pour un passionné de prospections aériennes ! Si bien que depuis 1962, plusieurs fois par an, je venais prospecter en avion autour du Fâ, espérant découvrir quelques traces de cette ville mythique... Jusqu'à ce jour de Juin 1975 (treize ans d'obstination...) où miracle, elle apparut, se révélant de toutes part : le péribole du temple du Fâ, les fondations du théâtre de la Garde, la Grande avenue, les ensembles monumentaux du forum, la zone portuaire etc
J'étais bien là, au bon endroit, au bon moment... Une ville, c'était bien une ville que je venais de découvrir, émerveillé !
Mais quelle est cette ville ?
Après la conquête romaine, qui présenta dans notre région beaucoup plus l'apparence d'un défilé triomphal que d'une âpre bataille, les nouveaux dirigeants "romanisèrent" des sites gaulois pré-existants.
C'est ainsi qu'à Barzan on retrouve les vestiges d'un lieu de culte gaulois sous les constructions gallo-romaines et que le port antique devint tête de pont commerciale, siège d'une ville suffisamment importante pour avoir les honneurs d'une citation dans l'un des plus vieux documents que nous possédions : l'Itinéraire d'Antonin, où il figure sous forme d'une station "Novioregum", située entre "Tannum" et "Mediolanum Santonum". Des études détaillées (bib) ont permis de localiser ces lieux respectivement à Consac et dans la capitale des Santons : Mediolanum Santonum, la Saintes moderne.

Reproduction d'une partie de l'Itineraria Romana, d'Otto Cuntz. Les stations citées sont dans l'ordre : Bordeaux, Blaye, Consac, Barzan, Saintes, Aulnay, Rom et Poitiers. Contrairement à ce qu'il est précisé dans le texte (m.p. = milles = 1,481 km) l'unité utilisée est la lieue gauloise de 2,415 km. Il suffit de l'appliquer sur des distances connues et incontestables pour le vérifier.

Extrait de la carte de Claude Masse. La ville antique de Novioregum est située entre Tallemont (Talmont) et Barzan.
Certains détails témoignant de l'existence d'une ville détruite :
"L'on tient qu'il y était icy une ville... "Vestiges d'un emphiteatre..." "Ancien port..."
@ J. Dassié
En archéologie aérienne, cette période est marquée par une innovation technologique considérable : la construction en pierre de taille et l'apparition de la brique Les indices directeurs ne seront plus conditionnés par les réserves hydriques de fossés, mais en général, par l'inclusion dans le sol de restes de fondations. Ce qui provoquera une inversion des indices : à l'aplomb d'un mur, les céréales souffriront davantage de la sécheresse. Elles pousseront moins haut et jauniront précocement. Les traces seront fines et nettes, par opposition aux traces des périodes précédentes où les remontées hydriques avaient tendance à largement s'étaler par capillarité.

La zone centrale de Novioregum, avec l'axe principal, la Grande Avenue bordée de boutiques reliant deux pôles cultuels : le temple rond du Fâ (du latin fanum) et le temple rectangulaire de La Garde. En haut à gauche : l'accès aux thermes. Au centre, les horrea, entrepôts d'état, caractéristiques d'une ville portuaire où transitait le trafic maritime de Mediolanum Santonum.
Les recherches sur le site
En 1993, trois personnes, messieurs Lalay, Baupoux et Gustave, avaient de grands projets, en accord avec la municipalité de Barzan, notamment l'acquisition par la commune de la ferme du Fâ, et la création d'une association de sauvegarde du site. C'est ainsi que le 15 septembre 1993 a vu la naissance de l "Association pour la Sauvegade et la mise en valeur du Site Archéologique de Barzan", plus connue maintenant sous le sigle "ASSA Barzan".
Les contacts pris avec l'Université de Bordeaux ont abouti, à partir de 1995 , au démarrage de fouilles, soit exactement vingt ans après la découverte des structures de la ville. Dirigées initialement par le professeur Pierre Aupert, pour le Moulin du Fâ, ces fouilles se sont progressivement étendues aux thermes, avec Alain Bouet, aux structures antérieures au monde gallo-romain avec Karine Robin, archéologue départementale, cependant que des zones d'habitat étaient traitées par l'Université de La Rochelle.

Le raffinement de la culture gallo-romaine s'exprime au travers de ces cachets-intailles.
© Jacques Dassié

L'une des plus impressionnante de ces intailles : la déesse Fortuna fait à peine 8 mm de hauteur !
© Jacques Dassié

Les soirs d'été, le Fâ s'illumine pour notre plus grand plaisir ! Placé au sommet d'une butte, il se voit de très loin. Quel spectacle devait-il constituer lorsqu'il avait l'intégralité de ses colonnes et constituait un grand pôle cultuel !
© Jacques Dassié