Royan,

Le message commercial que nous transmettent les affiches des années 1890 à la veille de la guerre, est aussi celui d'une société qui a envie de se distraire. A une époque où partir en vacances est encore réservé à une élite, elles sont un moment de rêve et d'exotisme pour les badauds qui prennent, en ce temps-là, le temps de s'intéresser à ce qui se passe autour d'eux. Ces affiches fourmillent de détails parfaitement identifiables en une véritable encyclopédie humaine et géographique. Elles font oublier les mouvements sociaux, la pauvreté ou l'occupation allemande de l'Alsace-Lorraine : C'est la Belle Epoque.

« Et le sable, doux à la marche, invite à la promenade comme la mer au bain »

Les baigneurs vont à la plage pour jouer au lawn-tennis, croquet, au gymkhana où certains font courir les animaux, les vers, lapins, coqs, dindons, oies, chèvres, moutons, on a même chacal et un blaireau, ou bien pour construire des forteresses très populaires même chez les adultes, et aussi, mais peu, pour prendre un bain.

Victor Billaud, dans son « guide des touristes », nous détaille, avec son style publicitaire emphatique, l'essentiel des distractions pratiquées à Royan :

On dirait que la nature a voulu y créer un centre balnéaire approprié à toutes les exigences, où l'on puisse graduer à volonté l'action stimulante de la mer. Royan a un casino merveilleux, un musée, une bibliothèque, des sociétés musicales, une imprimerie avec un journal illustré, qui fait distribuer gratuitement, chaque jour, à son kiosque du boulevard Thiers, la liste officielle des étrangers arrivés la veille. Il a aussi des églises et des pasteurs des différents cultes, des professeurs et des médecins distingués, des maisons de banque importantes, des établissements hydrothérapiques où l'on peut suivre tous les traitements, des écoles de dressage et d'équitation, des librairies et des cabinets de lecture au courant des nouveautés, de beaux magasins, des hôtels et des cafés de premier ordre, et enfin, des logements innombrables, depuis les villas les plus luxueuses jusqu'à des maisons modestes, mais d'une scrupuleuse propreté, rappelant les intérieurs de Van Ostade et de Jean Steen. Ajoutez qu'il est situé sur les confins d'un pays plantureux, d'une terre et d'une mer de cocagne qui mettent les plaisirs de la table à la portée de toutes les bourses. Et des fêtes continuelles ajoutent leur attrait à ce confort qui fait aimer la vie balnéaire. La foule se presse aux fêtes de nuit sur l'océan lors de la venue de l'escadre, concerts, courses de vélo, expositions canines, régates, tirs aux fêtes athlétiques, courses de chevaux sur l'hippodrome situé sur la Grande Conche en face du Casino Municipal, concours hippiques, courses d'automobiles, batailles de fleurs, baraques de foire.

Les affiches n°1 et 7, imprimées par Victor Billaud, reprennent toutes ces activités sous forme de slogans : « Courses, Régates'). Elles sont en réalité le prolongement des activités publicitaires de Victor Billaud dans la même perspective que « la Gazette des Bains de Mer ». Pendant les Années Folles, l'esprit des bains de mer change. Le bain n'est plus, comme avant la guerre, une cure thérapeutique ni une simple excuse pour la vie mondaine. La plage est un lieu sportif, on ne barbote plus dans la mer en faisant quelques mouvements, on nage le crawl, on plonge. Les ouvertures d'équipement sportif sont toujours de nature à porter un message publicitaire. En 1925, un golf de 18 trous est aménagé à Taupignac, sur la commune de Breuillet. Il devient un argument mis en valeur sur l'affiche n°12.

 

La mode balnéaire du Second Empire aux années 30

Les affiches sont aussi un formidable catalogue de la mode balnéaire. Nous pouvons observer plus de cinquante années de création, depuis son origine jusqu'aux modèles plus conforme aux dessins actuels.

Vers 1900, les baigneuses s'habillent avec autant élégance aux bains de mer qu'en ville, elles se protègent du soleil avec de grands chapeaux et des ombrelles multicolores. Elles se lancent à l'eau, en costumes de bains, très à la mode, composés d'une longue blouse de flanelle sombre serrée à la taille par une ceinture, d'un pantalon trois-quarts avec, bien entendu, l'indispensable corset. Elles portent le plus souvent, un foulard noué sur la tête, des bas bleus ou des chaussures fixées à la cheville par un lacet blanc. L'affiche n°6 illustre, avec une scène de bains, les multiples façons de porter ce costume balnéaire. Les hommes, eux, portent les fameux maillots rayés qui influenceront l'architecture balnéaire. On parlera d'architecture en « caleçon de bain » en comparant les couleurs brique et pierre aux teintes bicolores des maillots. Après la première guerre mondiale, les maillots de bains se simplifient, la couleur vive apparaît. Le bonnet de caoutchouc devient à la mode (Affiche n°12). Les femmes sont séduites par le bronzage, jusque là considéré comme vulgaire. Les affiches n°13, 14, 15 montrent ces changement qui laissent apparaître davantage les silhouettes tout en facilitant la pratique de la nage et du plongeon.

D'après «Histoire de Royan», Guy Binot, 1994

 

Photos par Didier mauléon